CROISIERES – PREMIERES EXPERIENCES

CROISIERES – PREMIERES EXPERIENCES

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
Charles Baudelaire

C’est la mer qui m’a offert tant de joies, d’émotions et d’émerveillements. J’ai voulu dans ces quelques pages lui rendre hommage.

TOME 1 – Les premières expériences à la voile

LE FLY FISCH : LE CAP DE GARDE

À Bône, mon ami Manou avait un « magnifique » voilier, le Fly Fisch. En fait, une planche, un mat, une voile non lattée, un safran. On ne pouvait se tenir qu’allongé ou assis – on avait 18 ans. Notre plus grande navigation : le cap de Garde jusqu’à la plage de Tôche, soit 1 mile. Vent portant, on était grisé par la vitesse et l’exploit. Mais au milieu de cette jubilation, je lâchais l’unique écoute et me retrouvais dans l’eau. Manou me récupérera en manœuvrant avec maîtrise. Honteux et confus, je jurais que l’on m’y reprendrait plus… Ce fut la première et dernière fois que je plongeai involontairement…

Les croisières de Jean - Intitiation au Cap de Gardes photos : @alioueche mokhtar

INITIATION A PORT CROS

À Toulouse, je rencontrais Alain Grenier, directeur du service des sports à l’Unité Paul Sabatier (UPS). Il avait un voilier, un vieux gréement tout en bois. Les toilettes se situaient entre le carré et la cabine avant, avec un rideau de chaque côté… À cette époque, il voulait initier les étudiants – et les profs – de l’UPS à la voile et je l’aidais pour le coté administratif. Au début, nous louions des bateaux durant les fins de semaine et naviguions autour de Sète, de Collioure, de Cadaques. Un jour, Alain proposa une croisière côtière : Sète-Porquerolles. L’« armada » était composée d’un voilier de location et du bateau d’Alain. J’embarquais sur un Samouraï, petit bateau léger de 7 mètres avec 4 étudiants tous novices sauf un. Nous partîmes tôt le matin avec vent faible, mais en «pures mains» décidâmes de ne naviguer qu’à la voile. Nous n’arrivâmes ainsi qu’à deux heures de matin à Cassis, lieu de rendez-vous. Morts de faim, nous liquidâmes toutes la réserve de sandwiches, pizzas et glaces du seul bistrot ouvert à cette heure-là… À trois heures Alain nous réunit et nous proposa de rejoindre Porquerolles. Deux solutions en vue : passer la fin de la nuit au mouillage ou lever l’ancre. Par 5 voix contre 4 nous choisîmes la 1ère proposition. Nous partîmes donc de nuit, la navigation facilitée par le feu des phares et balises. A Port Man, près de Porquerolles, Alain la guitare à la main, joua du Brassens « Tout est bon chez elle, y a rien à jeter… » Moment inoubliable!

Les croisières de Jean : Port Cros - Porquerolle

PREMIÈRE TRAVERSÉE EN MEDITERRANEE

L’année suivante, toujours avec Alain, des étudiants et deux autres profs, nous nous retrouvons pour une traversée vers la Corse à Menton, port le plus proche du Cap Corse – 240 milles seulement. Trois bateaux larguent les amarres le matin de bonne heure, beau temps, vent moyen. Mais vers 2 h du matin éclate un orage. Nous le soutenons sans trop de dommage. À l’aube, moi et mon équipage apercevons le Cap Corse… à l’Est… alors que nous devions retrouver les autres équipages à Macinaggio qui se trouve bien à l’Ouest du Cap!!! À noter pour les rigolos qui n’hésiteront pas à se moquer que le GPS n’existait pas et que le point se faisait à la gonio, aux phares et au pif ! Donc cap à l’est puis à l’ouest. Vers 21h, nous sommes devant Macinaggio et il fait nuit. L’entrée du petit port n’a aucun feu de signalisation nocturne. Nous décidons de continuer vers Bastia où nous arrivons vers une heure du matin, morts de fatigue après une trentaine d’heures de « balade ». Nous mouillons dans le port sur une chaîne qui se trouve par-là… En fait c’est celle de la marine nationale et à sept heures, un matelot, mitraillette à la main vient nous passer un « savon ». Voyant notre ahurissement il nous épargne la prison… et partage notre petit-déjeuner. Alain et son équipage nous rejoignent et nous continuons vers l’ile d’Elbe et l’Italie.
Et le troisième bateau ? Quelque temps après, je rencontrais son skipper qui me raconta : « On a pris l’orage en pleine poire ! Sous une bourrasque, le mât s’est brisé. Je l’ai libéré et laissé glisser dans l’eau en mettant cap plein nord. J’enfermais mes 4 équipiers dans le carré. De temps en temps j’ouvrais pour voir comment ils allaient : ils priaient ! »

Les croisières de Jean : Bastia en Corse

LA SPI DAUPHINE

Les croisières de Jean : La SPI DauphineLa Spi Dauphine est une course par équipe. Chacune d’entre elles est constituée de deux voiliers, un aux couleurs d’une entreprise et l’autre d’une École ou d’une Université. Chaque jour une course, un parcours différent sur la Côte Varoise, de Bandol à St-Tropez, d’Hyères au Lavandou. Elle dure une semaine et met une soixantaine d’équipes en compétition.

En 1990, Alain Grenier propose à l’UPS de participer à cette course. Il en est l’organisateur et moi le trésorier… On loue un bateau plus ou moins compétitif. Cette semaine fut pour un vrai régal aussi bien en mer qu’à terre où à chaque escale, un chapiteau est monté et abrite orchestres, danseurs dans une ambiance explosive !!!

Les croisières de Jean : La SPI Dauphine
L’étape dans le golfe de St-Tropez eut lieu par gros temps. Au coup de canon du départ, certains équipages hésitèrent à envoyer toute la toile. Après 30 secondes d’hésitation, Alain fait donner le maximum de voiles nécessaire. Immédiatement nous gitons dangereusement… Je glisse mais j’ai le réflexe de m’agripper à un winch pour ne pas filer à l’eau… Et je ne peux m’empêcher de repenser au Fly Fish… dans les circonstances de la Spi Dauphine, la honte aurait été abyssale et les conséquences monumentales…

Les croisières de Jean : La SPI Dauphine et la teamAutre petite anecdote : il fallait ramener le bateau à Bandol. Je m’en chargeais avec l’aide d’un étudiant. Nous naviguâmes par un bon mistral vers Porquerolles, sur un seul bord, pour y passer la nuit. Dans une petite crique, blancs du sel d’écume nous mouillâmes… Et là, avec stupéfaction, nous nous aperçûmes que le hauban tribord se balancer hors de son ridoir… À ce stade-là, rien de grave… mais si nous avions dû virer de bord en chemin vers Porquerolles, le mat se serait certainement cassé!

LE TEN-TEN – LA CORSE

Anne et Jean-Pierre, après avoir eu un zodiac puis une corvette – petit voilier breton – achètent le « Ten-Ten », un ketch solide et puissant. En 1972, ils nous proposent une croisière en Corse. Nous voilà donc embarqués sur un bateau de 10m10, à neuf : Anne, Jean-Pierre, leurs trois enfants – Valérie, Bruno et Christophe – Danielle, Olivier, Sophie (6 et 5 ans), et moi. Une vraie colo !
Nous partons de Marseille vers Cannes pour se rapprocher de la Corse. Puis l’Aventure commence, la grande… traversée. À la nuit tombante, au milieu de nulle part, nous avons l’impression, un peu stressés, de nous engager dans un tunnel. Mais quel émerveillement à l’arrivée dans le golfe de Girolata en découvrant par un soleil naissant, la cote, les falaises, le Monte Cinto au loin.

Les croisières de Jean - La Corse avec le Ten Ten - Le golfe de Girolata en Corse

Puis ce sont de magnifiques escales : Calvi, St-Florent, Macinaggio avec la langouste d’Esther Bélini et la pêche miraculeuse, au fusil harpon, des pécheurs locaux (dorades, sars, mérous, soles, poulpes…), Bastia… À Portoferraio, à l’île d’Elbe, nous sommes amarrés près d’un petit cargo, franc bord contre franc bord. Le lendemain matin, le pont du cargo s’était élevé de 2 mètres ! En fait, ce bateau apportait régulièrement de l’eau potable aux habitants de l’île. Puis le retour vers Marseille.
Cette croisière aura été pour nous une belle et enrichissante expérience : pour Sophie et Olivier le contact avec la haute mer, pour Danièle la vie sur un bateau et pour moi le plaisir de naviguer… en famille !

Merci, Anne et Jean-Pierre.

Les croisières de Jean - L'ile d'Elbe et Portoferraio

LE GALATEIA – LA TUNISIE

Anne et Jean-Pierre avaient vendu le Ten-Ten et fait construire, au chantier Dettori de La Seyne, un beau et bon voilier de 12 m, à bouchains vifs, tout en bois, Le Galatéia. Un jour, ils nous proposent une nouvelle croisière familiale, en Tunisie cette fois! Nous voilà donc embarqués à 10 (Pierre, le frère de Danièle fait partie du voyage au dernier moment) dans l’aventure. La gent féminine dédaignant les joies de la traversée en navigation décide de prendre l’avion en compagnie de leurs deux princesses. Les hommes larguent donc les amarres depuis le Vieux Port de Marseille. Après quatre jours de belle navigation et un arrêt à Alghero, nous sommes au sud de la Sardaigne et jetons l’ancre près d’un petit port… En tant que cuistot en chef, poste qu’on m’a évidemment octroyé, je demande aux ados et à l’oncle d’aller chercher quelques provisions, entre autre 3 kg de courgettes. Ils partent avec l’annexe, heureux de pouvoir mettre pied à terre. Au retour, il ne reste plus un centime de l’argent que je leur ai donné : ils se sont en effet goinfrés de bricks, de beignets, de makrouds, de glaces… Par contre, pas de traces des 3kg des courgettes demandées… mais plutôt 3kg de concombres!!!

Les croisières de Jean - La Tunisie avec le Galateia : Sidi Bou Said

Nous récupérons les quatre dames près de Tunis, à Sidi Bou Saïd où Pierre, comme prévu, nous quitte. Direction le Cap Bon pour une navigation de nuit. À la tombée du jour, nous passons devant la petite île de Zembra et là, Anne et Danielle nous font les yeux doux pour passer la nuit dans un petit mouillage.

Les Croisières de Jean - La Tunisie - Zembra et la cathédrale - photo @www.voyage-tunisie.info

Mal leur en prit… À 6h du matin, grand branle-bas de combat, un fort vent se lève subitement… Il faut remonter l’ancre, très puissante et donc très lourde, en catastrophe, sans guindeau électrique. Direction plein Est, nous nous abritons bientôt dans les magnifiques falaises au pied du Cap Bon. Il se trouve qu’on est le 7 août, jour de mon anniversaire. Je demande à Jean-Pierre d’aller en annexe vers un petit port à proximité pour y acheter des cigales. De retour au bateau, l’équipage au complet est déjà à table dans le carré et dédaigne mes crustacés… Les révoltés du Galateia ! Qu’à cela ne tienne, Jean-Pierre et moi dégustons nos cigales dans le cockpit, arrosées de… vodka. Il n’y a plus une goutte de vin ni de whisky !
Nous nous dirigeons ensuite vers le Sud et Kélibia, un important port de pêche où nous dégustons des beignets tunisiens. Le mien était enveloppé dans une feuille de papier d’écolier donnant la solution d’une équation du second degré !

Les croisières de Jean - La Tunisie - Le Cap Bon et Kelibia - photos @little sharks

Puis retour vers le Cap Bon où nous nous abritons une 2ème fois par grand vent puis direction vers l’Ouest avec étape à Tabarka, grand port de pêche. Pendant cette navigation, je me sentais un peu fatigué. À un moment, je vais faire pipi, à l’abri de la grande voile et des regards… Mais Anne qui trainait involontairement par-là voit mon urine foncée. En bonne biologiste, elle diagnostique une hépatite virale. En arrivant à Bizerte je vais donc consulter un médecin qui confirme et me prescrit des médicaments et… des piqures. Jean-Pierre se transforme alors en infirmier et me pique avec dextérité à la fesse… en ayant soin de faire préalablement, au stylo, une croix pour ne pas manquer sa cible ! Cette escale, nous a quand même permis de visiter Bizerte et son marché aux poissons, le plus beau qui m’ait été donné de voir !

Les croisières de Jean - La Tunisie - Porto Cervo en Sardaigne photos @www.ventsdemer.fr
À partir de là, nous remontons plein Nord en faisant une escale à Porto Cervo, en Sardaigne – port des milliardaires. Nous y mouillons en rade, les places à quai étant fabuleusement trop chères. Je suis littéralement crevé… Je dors 15h par jour, le reste du temps, je suis assis et je tiens la barre. Arrivé à Bastia, un toubib m’ordonne d’arrêter tout exploit nautique. Ainsi Danielle, Sophie, Olivier et moi prenons immédiatement l’avion pour Toulouse.

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